Eh oui, ça existe. Les graphistes sont peut-être grognons, mais ils différencient le bénévolat légitime du travail dissimulé indu. Ou alors ils devraient. Le tout est de ne pas leur demander de bosser sur n’importe quoi.
Certains semblent tentés de croire qu’à force de combats acharnés contre les escrocs qui essaient de la faire travailler pour la gloire, « la communauté des graphistes » (si elle existe seulement) serait contre le bénévolat. Et ils ne sont pas aidés par les quelques simplets qui ont le réflexe pavlovien de hurler sans discernement au scandale à la moindre demande de contribution bénévole sur la toile ou ailleurs.
Rappelons à titre illustratif l’épisode des « 24 jours du web », blog participatif dont le créateur qui avait sollicité une illustration bénévole pour son header s’était pris quelques scuds injustifiés sur Twitter et avait fini par retirer sa demande.
Cet incident funeste qui m’avait particulièrement peiné à l’époque (et dont on m’a reparlé dernièrement) m’a fait penser qu’une clarification sur le sujet ne serait peut-être pas superflue.
Pour faire court, le bénévolat est légitime quand :
Tu participes à un projet que tu as choisi de ton propre chef et qui te tient à cœur.
Tu y participes de façon désintéressée.
Tu bosses au profit d’une structure humanitaire, caritative, sociale, éducative ou culturelle sans but lucratif.
Tu es libre de travailler quand tu veux et si tu veux, de livrer ce que tu veux avec les droits que tu veux et de partir quand tu veux.
Quelques indices qui peuvent indiquer que ton bénévolat commence à virer au travail dissimulé :
On vient te chercher et tu comprends c’est de l’humanitaire alors c’est normal de pas être payé (pour rappel les ONG et les fondations aussi ont leurs salariés).
Tu occupes un poste concurrentiel à un poste rémunéré.
Tout le monde est payé sauf toi.
Ton travail est exploité par une entreprise commerciale et lui rapporte par conséquent du fric, directement ou indirectement.
On te fait passer un appel d’offre pour un « concours » (aussi appelé « l’entube vieille école »).
On te parle de « hackathon » depuis son gros fauteuil d’entreprise du CAC 40 (aussi appelé « l’entube new school »).
On fait du perverted crowdsourcing (dans la série « Internet classics »).
Évidemment ici ton bon sens sera sollicité pour séparer le bon grain de l’ivraie : ce n’est pas forcément parce qu’on vient te chercher sans que tu n’aies rien demandé que le projet ne se trouve pas justement faire écho à tes convictions profondes. Ce n’est pas non plus forcément parce qu’une association qui organise des concerts défraie les artistes qu’elle fait jouer qu’elle n’a pas le droit d’avoir des bénévoles. Ce n’est pas forcément parce que Mozilla a des salariés que c’est interdit d’être contributeur.
Bref, il convient d’utiliser ces indicateurs avec un minimum de recul et d’honnêteté intellectuelle afin de déceler si oui ou non le bénévolat est acceptable dans le cas qui te concerne.
Reprenons le cas des « 24 jours de web » pour illustrer tout ceci : pourquoi participer à ce projet c’est bien ?
Parce que c’est un projet cool qui normalement devrait te parler si tu bosses dans le web.
Parce que c’est un projet sans but lucratif.
Parce que personne dans le staff n’est payé.
Parce que même les auteurs publiés sur le site ne sont pas payés.
Parce que ça reverse chaque année les thunes collectées à des associations nécessiteuses.
Si tu es muni d’un cerveau en état de marche, tu es capable de faire la différence entre ça et les boîtes sans gêne qui ont érigé le travail gratuit en business model.
Peut-être d’abord parce que si on se réfère aux critères cités plus haut, ton projet est inéligible au bénévolat.
Ou alors parce que tu fais ta demande sur des forums de professionnels qui comme leur nom l’indique sont destinés à accueillir des demandes de travail professionnel (et donc rémunéré).
Ou bien parce que tu le fais sur des forums mélangeant professionnels et amateurs dont les modérateurs (bénévoles…) ont autre chose à faire que séparer les sollicitations de travail bénévole légitimes des autres et préfèrent donc interdire par défaut toutes les demandes de ce type.
Ou enfin parce que la personne qui te répond est bête ou mal renseignée (ou les deux), comme ça a été le cas pour les « 24 jours de web ». Là hélas il n’y a pas grand-chose à faire.
Je fais personnellement du bénévolat associatif depuis plus de 15 ans, que ce soit dans le web ou ailleurs, et c’est super bien. Je t’encourage à en faire si tu en as le temps et l’énergie.
Par ailleurs je suis également professionnel depuis maintenant plus de 10 ans, et je n’ai jamais travaillé gratuitement indûment. Le bénévolat et le refus du travail gratuit sont donc parfaitement compatibles.
Dernier rappel habituel : j’ai parlé ici de graphistes parce que c’est sur eux que mon actualité personnelle a mis le focus, mais on peut bien entendu généraliser ce discours à toutes les professions, du développeur à l’illustrateur en passant par le photographe ou l’expert-comptable.
Voilà, maintenant qu’on est à nouveau tous copains j’espère que tu vas proposer quelque chose aux 24 jours du web cette année.
On me signale des ressources complémentaires en commentaires et sur les réseaux sociaux, je les rajoute ici :
Posté le 2 juillet 2015
Merci pour ce billet pédagogique, Chris ! Je pense qu’il va beaucoup servir 🙂
Sur la question du travail gratuit : je suis toujours étonnée de voir que l’appel à travail gratuit est toujours aussi répandu auprès de certains types de professions : graphisme, code, rédactionnel, et même photo…
Demander du travail gratuit à un artisan non web (plombier, boulanger, peintre, ad lib.) ne viendrait à l’idée de personne mais, en matière de production dématérialisée, il y a encore de sales habitudes.
J’essaie de comprendre à quoi c’est dû. Est-ce justement le côté dématéralisé du truc qui semble légitimer la demande de travail gratuit ? En matière de production web, est-ce la moyenne d’âge encore relativement jeune des artisans concernés qui encourage une telle demande (« Ils sont jeunes, on va en appeler à leur passion et à leur manque d’expérience en leur faisant miroiter la gloire et de futurs projets, ça va marcher, ça. ») ?
Il me semble tout de même que pas mal de voix s’élèvent contre le travail gratuit au sens large, et que le message commence à se faire entendre.
S’il ne passe pas encore suffisamment auprès des crapules qui y ont recours, au moins passe-t-il auprès des jeunes pousses qui manquent encore d’expérience, et qui savent mieux à quoi s’en tenir, grâce au temps que consacrent gracieusement leurs aînés à les alerter, à travers des initiatives et des billets comme le tien.
Top !
Ça me rappelle ce site http://shouldiworkforfree.com/
Un excellent billet bien expliqué pour les différences entre travail gratuit et bénévolat, merci 🙂 (vais faire suivre pour la peine)
J’ai eu le même cas de figure il y a des années : un site (Ergologique pour ne pas le citer) s’était fait assassiner (alors qu’il avait un excellent contenu) juste parce que son layout et son code étaient un peu anciens (la belle époque du XHTML/CSS valides à tout prix), et un de ses auteurs avait eu « l’outrecuidance » de demander de l’aide (sous-entendu bénévolement). Du coup, de rage sur ces réactions complètement disproportionnées (du genre de celles qu’a eu 24 jours de web), j’avais fait une inté bénévolement. ^^
Faire du bénévolat n’est pas une honte, ce n’est pas du travail déguisé, ça vous grandit même.
Certains créas devraient arrêter de sauter à la gorge de tout le monde car ils ne savent pas faire la différence entre bénévolat et travail gratuit. Au pire, au lieu de hurler sur du bénévolat, il y a un moyen plus simple : ignorer ou dire non (le principe est d’être libre de refuser ou d’accepter).
Merci pour cet article. C’est vrai qu’il y a des graphistes qui ont vraiment du mal à faire la part des choses et s’insurgent de chaque demande d’asso parce que c’est MAAAL de travailler gratuitement. En espérant qu’ils passent par ici…
Un Graphiste gratuit, ca devrait être bon comme ca : http://elitedaily.com/humor/dirty-minded-graphic-designer-pranks-restaurant-owner-hilarious-series-texts-photos/653004/
Merci pour cet article qui recadre un peu les choses 🙂
Mais comme Marie je suis assez surprise du nombre de demandes pour du bénévolat dans ce domaine.
Je suis engagée dans une association, et refaire le site bénévolement a été un plaisir et une évidence.
Par contre aujourd’hui encore j’ai reçu une demande de “coup de main” et je ne sais jamais comment réagir. “J’ai besoin d’une petite page web parce que je n’arrives pas à la faire tout seul”. > “Ben oui c’est un métier hein” c’est ma réponse habituelle. Pas terrible hein ? ^^
Mais je m’imagine aller voir un menuisier et lui dire “j’ai envie de faire ma terrasse mais je sais pas la faire toute seule, tu me la fait gratos ?”
Je me retrouve assez bien dans ce que vous dites (moi je suis plus sur la partie code et on est souvent sollicités sur des hackatons qui forment étrangement un mode de développement assez répandu chez les startups…).
J’émettrai cependant un bémol: le bénévolat c’est quand on veut comme on veut mais ça implique quand même une certaine responsabilité une fois accepté (ce n’est pas la fête du slip non plus).
Autre remarque, il me semble que vous négligez un autre ressort du bénévolat qui est le “retour sur investissement” (je sais, le terme est mal choisit): On peut aussi s’investir gratuitement sur un projet en produisant quelque chose par plaisir voire “fierté” d’y être associé, de voir son nom/identité associé au projet (notoriété, etc…). Bien évidemment, c’est loin d’être une justification opposable par le demandeur mais bon, ce ressort existe.
Enfin, concernant le fait que l’on demande essentiellement du travail gratuit aux professions produisant des contenus dématérialisés (le commentaire de Marie Guillaumet), je ne suis pas d’accord. Pour avoir organisé des concours, il m’est arrivé d’avoir demandé des prix à des commerçants, des entreprises, etc. Que je sache, leur production il ne la font pas apparaitre comme ça et elle est bien matérielle. Il me semble aussi que les appels aux dons en nourriture, par expl, ou autre auprès des gens par des assos participent du même phénomène (même si on ne mobilise pas forcément les compétences des gens). Du coups, j’ai aussi l’impression que l’on voit ceci par notre “petit bout de la lorgnette”.
[…] « Ça existe les graphistes bénévoles ? qui différencie le « bénévolat légitime du travail dissimulé […]
[…] s’il est vrai que les graphistes ont le droit de faire du bénévolat (comme tout un chacun), rien ne saurait justifier qu’ils contribuent à apporter de la valeur à […]
Bonjour, J’aimerais partager un site internet avec vous, pour ceux qui voulaient aider volontairement dans le cadre du volontariat des nations unies. https://www.onlinevolunteering.org/fr/savoir-oser-la-solidarit%C3%A9-pour-le-volontariat/conception-doutil-graphique-de-communication-et-de#T%C3%A2che
Bonjour à tous, Un projet associatif, un documentaire sur la cohésion sociale et le développement de 25 MN à l’étranger. Prise en charge et billet d’avion. Je cherche un (une) cadreur monteur Et un (une) pour faire le story-board de chez lui Une aventure très passionnante urgent, merci.